La chanson dite engagée rime toujours avec résistance. Aujourd'hui le rap en est la forme la plus prisée par les adolescents et les jeunes adultes pour crier leur colère contre une société qui leur réserve un avenir de plus en plus étriqué. Notre héritage culturel, dont la chanson française avec ses origines régionales est un des magnifiques fleurons, résiste pourtant bien au matraquage anglo-saxon du soft power. Dans le meilleur des cas l'un et l'autre se complètent, mais chez les jeunes enfants le chant choral offre une ouverture formidable vers le monde de la musique, langage universel, esperanto mélodique et harmonique pouvant porter des paroles pleines d'espoir.
En écrivant paroles et musique de dix chansons pour les écoliers de 8 classes de CM1 et CM2 du Finistère, l'accordéoniste Michèle Buirette fait œuvre de salut public. Puisque la plupart des politiques semblent ignorer la catastrophe écologique qui nous pend au nez si on ne s'y attaque pas à bras le corps, les citoyens et les artistes s'emparent des moyens dont ils disposent pour devenir les lanceurs d'alertes qui dérangent tant ceux qui nous gouvernent. Les chansons pleines de tendresse de Michèle Buirette continueront à circuler ainsi de classe en classe, d'autant que sur la partie CD-Rom du CD ont été enregistrés les accompagnements instrumentaux des dix chansons dont Jacky Molard a signé les arrangements. S'il a également assuré l'enregistrement et le mixage, il joue ici du violon, de la guitare, de la mandoline, tandis que Linda Edsjö est au vibraphone et Hélène Labarrière à la contrebasse. Le projet n'aurait pu exister sans l'investissement de Gwen Gourlaouen qui l'a porté depuis 2017 et enregistré les enfants dans les classes, ainsi que Hervé Collé, autre conseiller pédagogique en éducation musicale du Finistère, et évidemment tous les enseignants.
Avec Les oiseaux de passage, La fleur du désert, Le loup ou La grande Arche l'album intitulé Migra'son fait référence aux migrants dont les frêles esquifs portent d'autres enfants fuyant leurs pays hostiles, souvent chassés par le dérèglement climatique. Le pélican du Bayou, Tiari, Les oursons, Rocko le perroquet rappellent également le danger imminent de la montée des eaux, sujet cher à Michèle Buirette puisqu'elle participe chaque année activement au Festival Si la mer monte qui se tient à L'île Tudy, presqu'île magique où elle vit plus de la moitié de l'année. Les chansons sont drôles et généreuses, porteuses de solidarité et d'espoir pour les nouvelles générations qui s'annoncent. Si les chanteurs et chanteuses en herbe, qui ont travaillé avec l'autrice-compositrice, n'ont pas le professionnalisme des maîtrises chorales, leur entrain respire l'air frais du large, une franchise rappelant les chants solidaires des sardinières et des ouvrières du siècle dernier quand la Bretagne était maintenue dans la pauvreté par l'État centralisateur. Les petits solistes sont particulièrement émouvants, mais c'est l'ensemble qui séduit surtout.
Suite au succès de cette expérience excitante, Michèle Buirette est sollicitée régulièrement pour inventer de nouvelles chansons de lutte pour un monde meilleur et plus juste. Ainsi, pendant le confinement, les écoliers de L'île Tudy ont enregistré chacun/e chez soi Les rougets (de l'île) pour réclamer l'ouverture d'une troisième classe, un demi-poste en plus pour la rentrée de septembre 2020. Et les parents d'élèves de réaliser un clip vidéo ! Depuis toujours, les chansons ont eu un impact considérable dans les luttes, parce que leur poésie porte un message métaphorique ou explicite et qu'elles se chantent ensemble avec du cœur. Encore aujourd'hui certaines me font monter les larmes aux yeux...
→ Michèle Buirette, Migra'son, La clé des champs, dist. Victor Mélodie (quelques extraits sur leur site !), 15€